Ian Wilmut, pionnier du clonage avec la brebis Dolly, est décédé

Science

Par Antoine Gautherie le

La science a perdu un pionnier très estimé dont l'héritage énorme continue de façonner la recherche sur le vivant.

Sir Ian Wilmut aux côtés de Dolly
Sir Ian Wilmut aux côtés de Dolly, la brebis la plus importante de l'histoire des sciences. © Roslin Institute, University of Edinburgh

Un brillant scientifique nous a quittés. Ce mardi 12 septembre, Sir Ian Wilmut, un chercheur britannique qui a révolutionné la génétique pratique et la médecine régénérative avec ses travaux sur le clonage, est décédé à l’âge de 79 ans des suites de la maladie de Parkinson.

Si Wilmut garde une place à part dans l’histoire des sciences, c’est parce que lui et son collègue Keith Campbell ont été les principaux artisans d’un projet de recherche révolutionnaire qui a complètement changé la trajectoire de plusieurs disciplines. En 1996, ils ont lancé une série d’expériences qui ont abouti à la naissance de la brebis Dolly.

Cet animal en apparence tout ce qu’il y a de plus normal a profondément marqué son époque, et pour cause : il s’agissait du tout premier mammifère à avoir été cloné à partir de matériel qui, en principe, n’avait rien à voir avec la reproduction.

Le premier mammifère cloné à partir d’une cellule somatique

Tous les travaux précédents sur le clonage faisaient intervenir des cellules de la lignée germinale. Ce terme désigne les cellules directement impliquées dans la reproduction. Wilmut et Campbell, en revanche, ont réussi à le faire en partant uniquement d’un noyau de cellule somatique, celles qui composent le reste des tissus et qui ne participent normalement pas au processus.

Pour former un nouvel embryon dans la nature, il faut qu’un organisme mâle transmette le patrimoine génétique inscrit dans son ADN à un organisme femelle. C’est précisément le rôle des gamètes mâles, qui sont spécialisés dans le transfert de ces informations. Mais ce ne sont pas les seules cellules à contenir une copie du génome de l’organisme. Toutes les cellules somatiques en sont également pourvues, mais elles ne disposent pas de la machinerie nécessaire pour le livrer au gamète femelle.

Pour donner naissance à Dolly, Wilmut et Campbell ont donc prélevé une cellule de glande mammaire d’une brebis baptisée Geniees. Après avoir extrait le noyau où l’ADN est empaqueté sous forme de chromosomes, ils l’ont injecté à l’intérieur d’un ovule d’une autre brebis dont le noyau a été retiré au préalable, remplaçant ainsi l’ADN nucléaire original.

Ce processus a permis de produire 277 cellules-œuf (les toutes premières cellules des organismes nouvellement constitués) qui ont elles-mêmes donné naissance à une trentaine d’embryons. Cinq mois plus tard, l’un d’entre eux est arrivé à maturité, donnant ainsi naissance à un animal dont tout l’ADN nucléaire provenait d’un seul donneur initial, et non pas de la combinaison du génome de deux parents ; on parle de clone.

De grands débats éthiques

Dolly était donc une copie presque parfaite de Geniees. Techniquement parlant, elle n’était pas 100 % identique au niveau génétique ; elle avait aussi hérité d’une autre forme d’information génétique, à savoir l’ADN mitochondrial. Celui-ci réside dans les mitochondries, de petites structures qui sont responsables de production d’énergie des cellules. En plus de l’ADN nucléaire de Geneiss, Dolly a donc aussi reçu l’ADN mitochondrial contenu dans l’ovule de la seconde brebis.

La distinction est importante, mais n’a rien enlevé à l’exploit des deux chercheurs. Leurs travaux ont fait l’effet d’une bombe, suscitant un mélange d’admiration scientifique et de panique morale. De nombreux observateurs craignaient que la naissance de Dolly ouvre la porte au clonage humain, et par extension, à une forme d’eugénisme de masse. Ce scénario catastrophe ne s’est finalement jamais concrétisé. Wilmut lui-même y était d’ailleurs fondamentalement opposé.

Un héritage scientifique immense

À la place, Dolly s’est imposée comme une icône de la science moderne. Au-delà de ces questions éthiques et existentielles sur la manipulation de la vie, la communauté a pu en tirer des informations précieuses. Dolly a notamment fait progresser les connaissances sur le développement et la différenciation des cellules. Et surtout, le succès a de Wilmut prouvé que l’expression des gènes est un phénomène réversible.

Ce point est particulièrement important. Car en d’autres termes, cela a permis aux chercheurs de réaliser que des cellules ordinaires pouvaient être reprogrammées. Cette prise de conscience a directement ouvert la voie à l’un des Prix Nobel les plus importants des dernières décennies.

En 2006, Shinya Yamanaka est parvenu à convertir des cellules somatiques en cellules souches pluripotentes induites. Ces dernières peuvent ensuite se différencier en n’importe quel autre tissu. Il s’agit d’un champ de recherche très actif qui présente un potentiel absolument colossal, autant en recherche fondamentale qu’en médecine régénérative.

Des souris paralysées remarchent grâce à une greffe de cellules humaines

Et il ne s’agit que d’un exemple isolé. Dolly a eu des tas d’autres répercussions concrètes dont la science bénéficie encore aujourd’hui. Dans une certaine mesure, presque tous les travaux de reprogrammation cellulaire et d’ingénierie génétique qui révolutionnent la médecine moderne sont des héritiers de Dolly, et par extension de Wilmut.

« Nous avons perdu un pionnier, un titan du monde scientifique », a déclaré Sir Peter Mathieson, doyen de l’Université d’Édimbourg. « Il a transformé la pensée scientifique de son époque, et cette découverte continue d’alimenter de nombreuses avancées que l’on observe aujourd’hui en médecine régénérative. »

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

3 min.